Shunto 2024

14/03/2024

Les camionneurs à la remorque

A l’intersection des problématiques des PMEs et des travailleurs précaires, les sociétés de transport routier sont coincées.

Tout d’abord, même si le Japon a la réputation d’être un géant du ferroviaire, cette image n’est valide que pour le transport de passager. Le transport routier représente 94% du transport de marchandises en tonnage ou 55% en tonnes-kilomètres.

Le secteur est extrêmement fragmenté, beaucoup des entreprises n’ayant que quelques dizaines d’employés (99% des 63000 sociétés sont petites à moyennes), et est connu pour ses conditions de travail rendues difficiles par le manque de personnel. Même les grands noms du secteur (Yamato, DHL…) ont eu leur lot de scandale ces dernières années avec des conducteurs ou livreurs craquant devant les clients (ou des caméras) car au bout du rouleau. Il est également prévu que le nombre de conducteurs devrait réduire de 35% en 2030 par rapport au niveau de 2015.

Par ailleurs, à partir d’avril 2024, de nouvelles règles cherchant à améliorer les conditions de travail des routiers entrent en application. Les principaux changements sont une limitation du volume horaire et une exigence de traçabilité et limitation de la sous-traitance en chaîne.

Alors que le volume de colis à transporter et à livrer, les patrons s’insurgent devant ces mesures, disant qu’ils ne seront plus capables de tenir les engagements de livraison vu leurs problèmes à recruter.

Et c’est donc dans ce contexte que la campagne de Shunto 2024 se concentre sur les PME et essaie d’obtenir des augmentations de salaire records se place.

L’objectif du gouvernement est d’augmenter les salaires dans le secteur de 10%, les patrons eux disent être capables au mieux de proposer entre 3 et 5%, notamment car ils sont en situation de faiblesse par rapport à leurs clients et ne peuvent pas répercuter les hausses de coûts sur leurs prix.

Problème de 2024, Nikkei, anglais

Shunto 2024 chez les routiers, Asahi Shimbun, anglais

14/03/2024

La grève des hopitaux publics continue

Il y a quelques semaines, les sections syndicales de 146 hopitaux publics lançaient un appel à la grève nationale pour demander de meilleures conditions que leur statut ne leur donnait pas (voir la news du 23 février).

Trois semaines plus tard, les syndicats n’ont toujours pas reçu de réponse satisfaisante de la part de leurs directions et ont donc fait grève au début de leur service le 14 mars.

NHK, japonais

14/03/2024

Les précaires sur la brèche

J’ai un peu l’impression de me répéter en disant que les augmentations des salarié.e.s précaires est un des sujets majeurs du Shunto 2024 mais c’est le cas.

Il est donc important de noter qu’un de leurs syndicats a lancé un appel à la grève fin mars dans 15 sociétés s’ils n’obtiennent pas de résultats, à savoir une augmentation de 10% minimum (alors que la difference de salaire avec les employés en CDI est de 30 à 40%).

Par ailleurs, le 13 mars, ces mêmes précaires ont débrayés dans plusieurs entreprises (notamment les écoles de langues GABA et les restaurants de sushis Sushiro).

Asahi Shimbun, anglais

14/03/2024

Des hausses, des baisses, donc des grèves

Alors que les annonces des augmentations se succèdent, toutes les annonces ne sont pas aussi positives.

Notamment, le syndicat du journal Tokushima Shimbun était en grève le 14 mars pour protester contre la mise en filiale de la rédaction et une diminution de 35% des salaires des nouveaux embauchés à partir de 2025. La position du syndicat est cependant très loin d’être radicale vu que leur objectif est de limiter la réduction de salaire à 25%. La grève a duré deux heures…

Yomiuri Shimbun, japonais

Video par MBS News, japonais

08/03/2024

Augmentations à la pelle

Après deux mois de discussions, les premiers résultats des négociations commencent à tomber.

Parmi les syndicats regroupés sous l’étendard de l’intersyndicale UA Senzen (2237 sections), beaucoup annoncent avoir déjà obtenu les augmentations demandées. Dans ces industries, l’augmentation obtenue se monte ainsi a 5,9% pour les employé.e.s en CDI et 6,5% pour les précaires.

Pour l’intersyndicale Rengo (3102 sections), les négociations avancent bien également et se montent à 5,85%, ou 17606 yens.

Certains cas sortent tout particulièrement du lot. Par exemple, la société Zensho Holdings, qui gère les restaurants Sukiya, augmentera les salaires des CDIs de 12,2% en moyenne. Leur concurrent Yoshinoya Holdings propose une augmentation de 8.9%. Chez Mos Burger, c’est 8%.

Dans le même genre, CAPCOM reprend une tactique vue il y a quelques années : augmenter fortement le salaire des jeunes diplomés (ici augmentation de 65000 yens pour atteindre un salaire minimum de 300 000 yens par mois) pour attirer de nouveaux candidats, y compris venant d’autres pays alors que les salaires du secteur en Chine (ou les entreprises japonaises recrutaient fortement il y a quelques années) sont déjà bien plus élevés.

Résultats UA Senzen, Reuters, anglais

Compléments UA Senzen, Reuters via Saltwire, anglais

Résultats Rengo, Jiji Press, anglais

Augmentations particulières, The Japan Times, anglais

Synthèse, Les Échos, français

Synthèse, Le Monde, français

05/03/2024

La position critique des PME

On a mentionné fin janvier et fin février la position difficile des PME lors du Shunto. Elles représentent 99.7% des entreprises au Japon et sont pourtant sous représentées.

Cette année, les syndicats leur mettent plus de pression lors des négociations pour que le plus de travailleurs possibles sortent de la précarité.

Mais, comme dit précédemment, les PME sont coincées entre la hausse des coûts, notamment des matières premières et de l’énergie, et leurs donneurs d’ordre qui ne leur laissent pas la possibilité d’ajuster leurs prix pour contrebalancer ces hausses de coûts, ce qui leur laisse très peu de marge de manœuvre pour augmenter les salaires de leurs employés. C’est un cercle vicieux. Et c’est encore pire pour les petites entreprises (moins de 100 employés).

Ainsi, en prenant les chiffres de 2022, l’augmentation moyenne dans les moyennes entreprises (de 100 a 1000 employés) était de 1,2%, de 1,6% pour les petites entreprises, bien loin des 2,5% des grosses entreprises.

Leur dépendance aux gros donneurs d’ordre est aussi a double tranchant. Nissan vient ainsi d’être rappelé â l’ordre par l’autorité de la concurrence pour s’être unilatéralement accordé une ristourne de plusieurs pourcents sur les prix négociés avec une trentaine de fournisseurs. La négociation des prix est déjà difficile voire impossible de base pour les PME mais les gros industriels profitent de leur position pour revenir dessus a posteriori. Les PME n’osent pas broncher par peur de perdre les contrats, leur relation avec ces grosses entreprises mais aussi l’aura que la relation leur octroie auprès d’autres clients.

L’autorité mentionne que la pratique pourrait avoir été en place depuis “des dizaines d’années” dans le cadre des politiques de casse des coûts mises en place par la direction. L’occasion de rappeler que le surnom de ce cher Carlos Ghosn, longtemps CEO de l’entreprise, était “Le Cost Cutter” ou Cost Killer en Japonais (コストキラー).

Gendai Business via Yahoo! News, japonais

Mainichi Shinbun, anglais

28/02/2024

Toyota ne répond plus

Alors que ces deux dernières années, Toyota avait accepté les demandes des syndicats dès le premier tour des négociations, cette année, rien n’est ressorti des deux premières réunions.

Les syndicats avaient mis en avant des demandes élevées cette années pour contrebalancer l’inflation mais aussi alors que l’action Toyota a augmenté de ~40% en 2023.

Un rappel que même si les entreprises font des jolis effets d’annonce, dans les faits, c’est loin d’être glorieux.

Reuters via MSN, anglais

23/02/2024

Appel à la grève dans les hôpitaux publics

Le syndicat hospitalier public japonais appelle à la grève générale a partir du 1er mars si les négociations du shunto n’aboutissent pas.

Sur la base de l’inflation et de l’augmentation du coût de la vie en 2023, les objectifs du syndicat sont:

  • une augmentation de 40000 JPY par mois pour le personnel permanent
  • une augmentation de 250 JPY par heure pour le personnel précaire.

Au delà de l’inflation, le syndicat met en avant l’absurdité que les grilles salariales dans le milieu hospitalier sont plus faibles que celles de la fonction publique territoriale ou d’état et que leurs personnel n’ont pas le statut de fonctionnaire. Surtout qu’en novembre 2023, le gouvernement et parlementaires se sont généreusement augmentés, ce qui avait provoqué l’indignation des japonais : le premier ministre s’est augmenté de 460 000¥ par an (3000 euros soit 250 euros par mois, pour un salaire annuel de 260 000 euros) et les ministres de 320 000¥ (2000 euros, 170/mois, 190 000 euros par an). Même les primes en milieu hospitalier sont plus faibles : equivalent de 4,2 mois contre 4,5 mois en 2023.

Le système médical japonais est beaucoup plus dépendant des établissements privés. Il y a par exemple seulement 4 hôpitaux publics dans le département de Tokyo contre 19 dans Paris intra-muros. Cela dit, sur l’ensemble du Japon, ce serait 136 hôpitaux qui entreraient en grève.

Si l’annonce à l’air impressionnante sur le papier, dans le détail, il n’est pas certain qu’elle aide a faire bouger les lignes lors des négociations. L’appel à la grève prévoit que seules quelques personnes prendraient une part active a l’action, pendant une heure.

La méthode à l’air peu adaptée à la difficulté de la situation. En effet, comme beaucoup de secteurs au Japon, les recrutements sont extrêmement difficiles (surtout vues les exigences de pratique, de niveau de langue et les abus que les personnels subissent de la part des patients ou de leurs proches). L’augmentation du coût de la vie fait que les salaires du secteur ne permettent plus de vivre correctement, ce qui conduit à de nombreuses démissions et reconversions professionnelles, ce qui aggrave encore plus le problème.

En complément et sans rapport direct avec le Shunto, le manque de personnel médical et hospitalier est aussi criant dans la région touchée par le gros tremblement de terre du 1er janvier (la péninsule de Noto) et les différentes organisations, syndicats, hôpitaux alertent de plus en plus stridemment depuis le séisme.

NHK, japonais

20/02/2024

PME - des revalorisations en baisse par rapport a 2023 ?

Si 85% des PMEs annoncent vouloir revaloriser les salaires à la hausse cette année, les hausses pourraient être bien plus faibles que les objectifs des syndicats et du gouvernement.

Dans un sondage auprès de 3873 PME réalisé par Tokyo Shoko Research

  • 2% pour 20% des répondants,
  • 3% pour 33% des répondants,
  • 4% pour 9% des répondants,
  • plus de 5% pour 26%.

Pour justifier cette situation, 54% des PMEs disent être contraintes par leurs clients auprès desquels elles ne peuvent pas refléter leurs hausses de coûts et 49% invoquent les hausses des prix des matières premières et de l’énergie (plusieurs raisons pouvant être sélectionnées).

NHK, japonais

Tokyo Shoko Research, japonais

18/02/2024

Des annonces mais un pessimisme tenace

En janvier, je partageais que les économistes étaient plutôt pessimistes sur le niveau de revalorisation des salaires cette année, malgré les annonces du gouvernement et la volonté des syndicats. Alors que les négociations ont réellement commencé maintenant, il semble que les salariés ont peu d’espoir également.

Dans un sondage du Mainichi Shimbun, 79% des interrogés ne pensent pas que les objectifs seront atteints (seuls 9% le pensent).

Les hommes sont légèrement plus pessimistes que les femmes (81% contre 77%). Mais la principale différence se joue par tranche d’âges, les trentenaires et quarantenaires sont 90% à penser que l’objectif ne sera pas atteint alors que c’est autour de 70% pour dans les autres groupes.

Mainichi Shimbun, japonais

09/02/2024

Les précaires sur le front

Actif pour la deuxième année consécutive (seulement), le syndicat des précaires (40% des travailleurs japonais) a diffusé ses orientations pour son premier shunto.

Pour cette première année, le syndicat négociera avec 38 grandes entreprises avec pour objectif d’obtenir 10% d’augmentation genérale. Comme le met en avant le secrétaire général, les précaires sont majoritairement exclus des vagues d’augmentation de salaires dont bénéficient les salarié.e.s en CDI. Surtout qu’il y a concrètement déjà une différence de 30 a 40% de salaire a poste égal et taille d’entreprise similaire entre précaires et CDI.

Un élément mis en avant, c’est que ce syndicat met clairement le recours à la grève comme action envisagée si les négociations ne sont pas faites en bonne foi.

La conférence de presse du 8 février a également été l’occasion de remettre sur la table le salaire minimum a 1500 JPY au niveau national.

TV Asahi, japonais

09/02/2024

Vers de meilleurs salaires pour les jeunes diplomés

Les entreprises multiplient les signes envers les jeunes diplômé.e.s, notamment en annonçant augmenter significativement les grilles de salaires les concernant. Parmi les annonces récentes, on peut notamment noter :

  • Tokyo Electron : 40% d’augmentation
  • Asics : 24%
  • Dai-Ichi Life Holdings and Nomura Holdings : 16%

En 2023, c’est 71% des entreprises cotées en bourse qui avaient déjà augmenté le salaire des jeunes diplômés. La même tendance se manifeste aussi dans les PME mais dans une moindre mesure pour l’instant.

Ce n’est évidemment pas par pure bonté de cœur que les entreprises revoient leurs grilles. Le nombre de jeunes diplômé.e.s (de 20 a 24 ans) a baissé de 36% depuis les années 1990 et les entreprises sont encore très fortement organisées pour recruter le gros de leurs recrutements en sortie d’écoles et d’universités (70% des entreprises y font plus de la moitié de leurs recrutements). Le salaire devient donc un argument marketing pour essayer de trouver et garder des candidat.e.s.

Mais il faut aussi dire que les salaires de départ sont actuellement extrêmement bas.

Graphique des salaires bruts mensuels en sortie d'études par niveau d'étude et genre entre 2020 et 2022, allant de 175000 yens pour un niveau lycée a 260000 yens pour un master.

Si on ne regarde que les moyennes et qu’on regarde que ca donne en euros (avec toutes les précautions a prendre pour l’exercice), c’est pas glorieux.

Niveau d’éducation Salaire mensuel brut Salaire brut €/mois Salaire net €/mois
Lycée 181200¥ 1286€ 964€
Filière courte 202300¥ 1436€ 1220€
Bachelor 228500¥ 1622€ 1378€
Master 267900¥ 1901€ 1616€

(2022, conversion a parité de pouvoir d’achat, taux de cotisations etc à 25%)

Enfin, ce qui est un peu désespérant, c’est que la situation que je décrivais dans mon article sur les questions du marché du travail en 2018 est toujours autant d’actualité et que peu de choses ont changé.

Augmentations jeunes diplomés, JapanTimes / Bloomberg, anglais

Salaires jeunes diplomé.e.s, Orix Bank, japonais

26/01/2024

Les livreurs face à Amazon

Constitués en syndicats depuis l’an dernier, les livreurs indépendants travaillant via sous-traitance pour Amazon Japon ont voté pour faire front commun cette année et avancer leurs revendications.

Notamment sur la table : leur rémunération et conditions de travail (notamment le nombre d’heures travaillées), alors que le volume de colis augmente.

A Tokyo, ou est situé le siège d’Amazon Japan, malgré les relances par le syndicat, Amazon refuse d’ouvrir les négociations, prétextant n’avoir aucune relation contractuelle avec les livreurs. En réponse, le syndicat a porté le dossier à la Commission du Travail qui a reconnu que le refus de négociation est illégal. La Commission doit devra déterminer si les livreurs sont bien des employés au sens de la loi sur les syndicats, auquel cas Amazon devra négocier.

Ce n’est pas la première fois que les pratiques d’Amazon Japon se font remarquées. En 2022, l’entreprise avait importé les pratiques de sa maison mère au Japon en licenciant des employé.e.s par e-mail, notamment des représentants syndicaux et des personnes enceintes.

La question des heures travaillées est un sujet important cette année car à partir d’avril 2024, les employés de la logistique ne pourront faire au maximum que 960 heures supplémentaires par an. Les entreprises sont vent debout contre l’application de cette loi, mettant en avant leurs difficultés à recruter (compréhensible quand l’entreprise que 80h supplémentaires par mois est trop peu) alors que le nombre de colis, lui, augmente. Amazon, en jouant la carte de l’uberisation du marché et en refusant de reconnaître les livreurs comme employés, cherche à esquiver ses responsabilités.

Front commun des livreurs, Nikkei, japonais

Commission du Travail, Mainichi, anglais

Amazon JP Union busting, Rest of the World, anglais

24/01/2024

Sondage NHK sur les intentions des grandes entreprises

Alors que le début des négociations se rapproche, la NHK a publié les résultats d’un sondage effectué auprès de 100 grandes entreprises.

Sur les 100 entreprises :

  • 18 s’engagent a augmenter les salaires
  • 27 disent qu’il y a une forte probabilité qu’elles le fasse
  • 40 sont encore phase de réflexion.

soit au final moins de la moitié qui pensent augmenter les salaires.

Parmi ces 45 entreprises, l’augmentation envisagée serait:

  • plus élevée que l’an passé pour 14 d’entres elles (donc en accord avec les demandes des salariés et du gouvernment)
  • similaire a l’an passé pour 9 autres
  • pas encore définie pour les 21 restantes.

Un point a noter cependant, c’est la forme que prendraient ces augmentations. Comme abordé dans les résumés précédents, elles peuvent prendre 3 formes :

  • augmentation du salaire de base
  • augmentation des augmentations a l’ancienneté
  • une prime ponctuelle couvrant n mois de salaire

Et seules 20 des 45 entreprises pensent augmenter le salaire de base, soit 5 de moins que lors du sondage de l’an dernier, mais bien plus que lors du sondage 2022, alors que les incertitudes liées au COVID etaient toujours d’actualité, ou seules 5 entreprises s’orientaient dans cette voie.

NHK, japonais

22/01/2024

Sous-traitance et abus de position dominante

Un des thèmes qui ressort déjà de cette campagne de shunto vient des entreprises et surtout des PMEs : elles sont en effet nombreuses à dire avoir du mal à augmenter les salaires car elles ne peuvent pas répercuter leurs hausses de coûts, autant matière premières ou énergie que salaire à leur client, dont de grosses entreprises faisant des profits records ces dernières années.

Comme mentionné la semaine dernière (voir plus bas sur cette page), la Chambre de commerce du Japon, suite à une enquête auprès de ses membres en octobre dernier, rapportait que 26,7% des PME interrogées ne pouvaient pas refléter la hausse de leurs coûts a leurs clients. Seules 34,7% d’entre elles étaient capable de transmettre plus de 40% de leurs augmentations de coûts.

En novembre dernier, l’autorité de la concurrence (公正取引委員会) diffusait ses orientations et rappels des règles et appelait la pratique 下請けいじめ, “harcèlement des sous-traitants”, reprenant le terme ijime plus souvent rencontré dans un contexte scolaire. C’est un durcissement de l’approche mise en oeuvre jusqu’ici, rappelant que ce type d’abus de position dominante est illégal selon la loi antitrust japonaise.

Et loin de s’arreter la, elle a publié fin décembre une liste de 13 entreprises pour lesquelles les abus de position dominante par rapport aux sous-traitants sont largement documentés :

  • Sagawa Express (logistique)
  • Sankyo Tatsuyama (matériaux de constructio, aluminium)
  • Federation nationale des JA (LA cooperative agricole)
  • Daiwa Logistics (logistique)
  • Denso Corporation (composants automobiles)
  • Tokyu Community (gestion immobiliere)
  • Toyota Industries (automobile)
  • Trancom Corporation (logistique)
  • Don Quihote (commerce)
  • Japan Access (alimentation)
  • Maruwa Transport Corporation (logistique)
  • Mitsubishi Foods (alimentation)
  • Mitsubishi Electric Logistics (logistique)

Meme si elle considère que la situation s’améliore par rapport aux années précédentes, le fait qu’elle doivent prendre ces mesures de name and shame montre que le problème est loin d’être réglé. Au delà de ces 13 entreprises, l’autorité a également fait un rappel a l’ordre écrit à 8175 autres organisations (notamment 755 dans l’informatique, 559 coopératives (agricoles ?) et 460 entreprises de transport routier). Les sous-traitants semblent confirmer cette situation en rapportant que même s’ils contactent leurs donneurs d’ordre pour négocier des hausses de prix, certains refusent de les rencontrer et imposent d’appliquer les tarifs précédents.

La situation des PME est loin d’être nouvelle, ce sont aussi elles qui ont coulé les mesures précédentes d’améliorations des conditions de travail et notamment sa mesure phare le Premium Friday, invoquant comme souvent le manque de personnel.

Sankei shinbun, japonais

13 entreprises name and shame, japonais

19/01/2024

Mazda

L’intersyndicale de Yamaha (12 syndicats, environ 12 000 salariés) annonce vouloir négocier une augmentation générale d’au moins 10 000 JPY et une prime représentant au moins 5 mois de salaires.

Comme chez Meitetsu, le secrétaire de l’intersyndicale (Masaki Hirano) met en avant la nécessité de proposer des salaires attractifs pour pouvoir continuer à recruter.

17/01/2024

Mazda

L’intersyndicale du constructeur Mazda vient d’annoncer que son objectif de négociation est de 13 400 JPY sur le salaire de base de tous les employés.

Mais comme pour toutes les entreprises du secteur, chacun des 71 syndicats de l’intersyndicale sont libres de négocier indépendemment.

17/01/2024

Kishida, aligné sur les syndicats ?

Lors d’une réunion entre le gouvernement, les syndicats et le Keidanren, le premier ministre Kishida a répété le souhait du gouvernement que les salaires soient augmentés largement en 2024, reprenant aussi l’objectif d’un minimum de 5% des syndicats, mettant un peu le Keidanren en porte-à-faux.

Difficile de savoir si c’est son souhait réel ou s’il essaie de redorer son image auprès du public japonais, lui et son gouvernement étant au plus bas dans les sondages (à 17,1% d’opinions favorables).

Jiji, japonais

16/01/2024

Le Keidanren avance ses pions

Après les économistes, c’est au tour du Keidanren, le syndicat patronal japonais, d’avancer ses éléments de langages.

Dans son document directeur (基本方針), le syndicat annonce vouloir continuer les augmentations dans le même sens qu’en 2023. Il met également en avant la responsabilité sociale de ses membres et que chaque entreprise devrait continuer à augmenter le salaire de base (pas uniquement proposer des primes). L’objectif d’augmentation annoncée est de 4% pour les grandes entreprises (contre 5% souhaités par les syndicats de travailleurs).

Pour les PME, le Keidanren les incite à refléter la hausse de leurs coûts (matières premières ou énergie tout autant que salaires) à leurs clients. Il demande dans le même temps aux grosses entreprises, souvent clientes de ces PME (B2B) de ne pas presser leurs fournisseurs comme des citrons et de leur permettre de fixer des prix qui correspondent à leurs coûts, invoquant les recommandations de l’autorité de la concurrence ce faisant.

Cependant, la Chambre de commerce du Japon, suite à une enquête auprès de ses membres en octobre dernier, rapportait que 26,7% des PME interrogées ne pouvaient pas refléter la hausse de leurs coûts a leurs clients. Seules 34,7% d’entre elles étaient capable de transmettre plus de 40% de leurs augmentations de coûts.

Le Keidanren met aussi un coup de projecteur sur les travailleurs précaires (36% de tous les travailleurs), demandant fortement d’augmenter leurs salaires et de faciliter leur passage en CDI. Ce dernier point fait notamment référence au fait que la loi dispose depuis 2013 que tout employé précaire ayant 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise passe en CDI. Sauf que depuis 2018, qui aurait du être la première vague de conversion, nombreuses sont les entreprises et institutions qui licencient leurs employé.e.s précaires, quelques mois avant l’échéances pour ne pas avoir à appliquer cet aspect de la loi, augmentant la précarité de ces salariés.

Enfin, les salaires de démarrages (pour les jeunes diplômés ou les nouveaux embauchés), ont aussi eu leur petit moment de gloire. Sans doute pour pérenniser les annonces faites en grande pompe par certaines entreprises, notamment dans l’IT, fin 2022 et en 2023, de sérieusement réévaluer leurs salaires d’entrée et d’aligner leurs salaires minimum à ceux-ci.

Ohashi Tetsuji, qui animait la conférence de presse du Keidanren en sa qualité de vice-président de l’organisation, conclut notamment que “sans augmentation régulière des salaires, l’économie japonaise ne s’améliorera pas.”

NHK, japonais

Asahi Shinbun, japonais

TV Asahi, japonais

The Japan Times, anglais

15/01/2024

Des économistes... plutôt frileux

Alors que les syndicats ont commencé à poser leurs cartes sur la table, c’est au tour des économistes de partager leurs prévisions.

36 économistes du think-tank Centre de recherche sur l’économie du Japon (日本経済研究センター) convergent vers une augmentation de 3,85%, soit plus que les 3,6% de l’an dernier.

Cependant, la fourchette de prévision varie grandement, allant de 3,2% à 5,0% selon les chercheurs.

Par ailleurs, au dela de l’augmentation moyenne, ces économistes tablent sur une augmentation générale (ベースアップ) de 2,15% en moyenne, à laquelle s’ajouterait 1,70% en fonction de l’ancienneté (定昇)

Asahi Shinbun

14/01/2024

Lourd est le parpaing de la réalité sur la tartelette aux fraises de nos illusions

Si les annonces des différents syndicats de ces derniers jours sont clairement ambitieux, les salariés eux sont clairement plus pessimistes.

Dans une sondage pour l’agence de presse Kyodo, seuls 10% des salariés entre 30 et 60 ans s’attendent a ce que les augmentations obtenues dépassent l’inflation.

Les plus pessimistes étaient les quarantenaires (6,6%), puis les trentenaires (8,9%), suivi des cinquantenaires (9,1%) et les soixantenaires (9,5%).

Les plus de 70 ans sont comparativement plus optimistes, avec 14,2% qui pensent obtenir satisfaction.

Les moins de 30 ans sont 19,3% a être optimistes.

La différence est encore plus marquée quand ventilée par type de contrat : 8,6% pour l’ensemble des CDI, 10,4% pour les précaires (qui sont représentés par les syndicats pour la 2eme année consécutive) et 4,8% pour les freelances.

Kyodo, japonais

13/01/2024

Annonces chez Toyota

Contrairement aux objectifs ambitieux de l’intersyndicale de l’automobile et de celle de la métallurgie, le vice secrétaire du syndicat de Toyota (qui chapeaute les 300 syndicats locaux et 357 000 membres dans le groupe), Katsuyoshi Nishino, refuse de donner d’objectif chiffré.

Il se contente de souhaiter “une augmentation forte par rapport a 2023” et de “protéger la valeur et le travail des membres face à l’augmentation du cout de la vie, tout en améliorant l’attractivité de l’industrie automobile” (touchée comme beaucoup par le manque de main d’oeuvre et la relative mauvaise réputation du secteur industriel en général).

Son seul objectif est que la prime annuelle soit équivalent a 5 mois de salaires. Mais, comme toutes les primes, elles ouvrent droit a beaucoup moins de cotisations sociales.

NHK, japonais

12/01/2024

Manifestation de lancement de la campagne 2023

Les différents syndicats et intersyndicales japonaises se sont retrouvées aujourd’hui pour officiellement lancer la campagne de shunto de cette année.

Environ 500 personnes, représentant les différents syndicats se sont retrouvées pour manifester devant le siège du Keidanren, le syndicat patronal.

L’occasion de présenter de présenter un front uni et de rappeler leurs objectifs d’augmentation de salaire face à l’inflation et aux effet de la pandémie de Covid, mais aussi de réitérer leur demande de faire passer le salaire minimum a 1500 yens dans l’ensemble du pays (demandé de puis plus de 10 ans maintenant…), y compris dans les PME. Les représentants ont aussi insisté qu’en cas de rupture des négociations ou de négociations en mauvaise fois, le recours a la grève était possible.

Parmi les revendications assez spécifiques, le syndicats des transports routiers a demandé à arrêter l’ouverture du marché des taxis aux VTC type UBER. Cette demande fait suite a un changement d’orientation du ministère des transports, officiellement pour répondre au manque de chauffeurs, mais qui correspond aussi a une campagne de lobbying assez aggressive par Horiemon (un entrepreneur/investisseur avec une tres forte audience) et par le lobby patronal des taxis.

De son coté, le Syndicat des jeunes de la région de Tokyo a mis en avant la nécessité de relever le salaire des jeunes et notamment des précaires.

Ces dernières semaines, les différents syndicats ont commencé a annoncé leurs orientations en vue des négociations. Celles-ci commenceront réellement début février.

Shinbun Akahata/JCP, japonais

Senkyo.com, japonais

Zenroren, japonais

12/01/2024

Annonces dans le ferroviaire

Le syndicat de la Japan Rail annonce viser une augmentation généralisée de 10 000JPY par mois. C’est une forte hausse par rapport a 2023 (3000 JPY) et c’est l’objectif le plus ambitieux depuis 1999.

Chez Meitetsu (Nagoya, 4500 salariés), les syndicats visent une augmentation moyenne de plus de 7%. Le syndicat se positionne non seulement en soutien au pouvoir d’achat de ses membres mais aussi pour proposer un salaire avantageux qui permettrait de recruter plus facilement et ainsi assurer le future de l’entreprise.

Jiji, japonais

NHK, japonais

11/01/2024

Annonces Kirin et Suntory

Le syndicat de Kirin a annoncé un objectif de 6% d’augmentation dans l’ensemble, avec un minimum de 3% pour l’ensemble des 1800 salariés.

Du coté de Suntory, l’objectif général est de 7%.

Yahoo! Japan, japonais

11/01/2024

Annonces du secteur automobile

L’intersyndicale des métaux de la métallurgie (qui inclut notamment les chantiers navals et le secteur automobile) a annoncé ses objectifs pour ses négociations de branches, visant des augmenations minimales de 30 000 JPY par mois, mettant notamment en avant les faibles salaires du secteur comparé aux autres industries.

Pour la métallurgie en général, l’objectif est de +10% d’augmentation minimale généralisée, avec une augmentation dans l’ensemble de 12%. Pour l’industrie lourde, augmentation de base de 18000 JPY/mois et de 5% dans l’ensemble. Dans le secteur non minier, 15000JPY/mois et 5%.

Dans l’automobile, le syndicat demande une revalorisation du salaire minimum a 180 000 JPY par mois, soit une hausse de 7000 JPY, avec l’assurance que les employés de plus de 50 et 55 ans aient salaire assuré d’au moins 273 000 JPY et 275 000 JPY respectivement. Le syndicat compte sur l’importance de l’industrie automobile au Japon pour faire un exemple et inciter le reste des entreprises a s’aligner. A noter que même si l’intersyndicale fixe des objectifs, le syndicat dans chaque entreprise négocie indépendemment, et ce depuis 2019 (décision de mettre fin au 一律ベア)

C’est l’objectif le plus ambitieux depuis le choc pétrolier de 1975.

Coté patronat, l’annonce a été accueuillie assez froidement, Yoshihisa Kitano, président du lobby patronal de la métallurgie, ayant annoncé que les augmentations seraient négociées au cas par cas en tenant en compte la hausse des matières premières et de façon à ne pas manquer de main d’oeuvre.

Asahi Shinbun, japonais

Mainichi Shinbun

10/01/2024

Deep Dive NHK

La NHK a sorti un dossier assez complet en préparation du Shunto, qui fait notamment le point sur le lien entre salaire, inflation, prix et problèmes de recrutement.

Elle explique notamment que malgré les hausses de salaires exceptionnelles obtenues en 2023, cela ne suffit pas a contrer l’inflation et que le salaire réel est en baisse depuis 20 mois consécutifs (en utilisant les données disponibles en novembre 2023).

Capture d'écran du programme de la NHK donnant le détail des salaires, de l'inflation etc pour 2023

Selon la NHK, alors que les grandes entreprises ont eu

  • une année record en bourse
  • des profits records pour la 3eme année consécutive
  • des réserves de cash s’élevants a 343 trillions de yens,

elle mentionne que les économistes ne tablent que sur une hausse de 3,7% a 4% des salaires de base, bien loin des 5% minimum demandés par les syndicats. L’honneur est sauf car les grandes entreprises mentionnent depuis quelques jours leur volonté de dépasser les hausses de 2023 (3.6%) et donc s’orienteraient vers un service minimum pour garder la face.

A noter que cette situation est vraie pour les grosses entreprises et beaucoup moins pour les PME, qui ont pour beaucoup souffert des 3 ans de fermetures des frontières (notammant dans le tourisme) et ont beaucoup de mal à recruter (autant dans l’industrie que dans les services), ce qui les empeche de repondre à la demande. La NHK met cependant en avant que le niveau de salaire trop bas et les conditions de travail (horaires, manque de congés…) peu engageantes sont aussi ce qui les empeche de recruter, les enfermant dans un cercle vicieux.

Deep dive NHK, japonais

03/01/2024

L'économie se porte bien, merci

« Plus de 70% des entreprises japonaises pensent que l’économie continuera sa croissance en 2024 »

Le mot important ici étant « entreprises », les gens étant eux, après 20 mois consécutifs de perte continue de pouvoir d’achat, beaucoup moins optimistes

  1. « Cet optimisme est en accord avec les prévisions de croissance de l’OCDE de 1.0%, contre 1.7% en 2023 », pardon, en quoi c’est un signe positif pour « l’économie » ça ?
  2. 43% (des 123 mastodontes de l’économie qui ont répondu) envisagent des hausses de salaire. Les autres n’ont rien décidé.
  3. « Le yen faible est une aubaine, même si ça fait augmenter les prix des matières premières, ça attire plein de touristes »… oui mais bon, vu la part des importations dans l’alimentation, les consommateurs eux morflent. On devrait manger les touristes alors ?

En 2023, c’est plus de 32000 produits qui ont vu leurs prix exploser, de l’huile au mcdo

The Mainichi, anglais

Nikkei Asia, anglais

Nikkei, japonais

Achikochi, francais

03/01/2024

Objectifs

Le Premier Ministre Kishida a donné comme orientations aux entreprises japonaises d’accorder des augmentations de salaire plus élévées que celles accordées en 2023, déjà bien plus élevées que celles des 10 années précédentes.

Rengo, l’intersyndicale japonaise, a annoncé ses propres orientations sur le sujet:

  • une augmentation minimum de 5%
  • un focus particulier sur les employés des petites et moyennes entreprises ainsi que les employés précaires (contractuels, intérimaires, temps partiels etc) qui obtiennent généralement des augmentations bien plus faibles que les salariés en CDI des grosses entreprises.

Yomiuri Shinbun, anglais

NHK, japonais

03/01/2024

Démarrage

Ca fait quelques années que je suis de loin les négociations salariales annuelles au Japon. Et cette année, j’ai décidé de faire les choses bien avec ce site.